Prologue





Prologue


« En France, ce qu’il y a de plus national, c’est la vanité »
Balzac





Comme Paul de Tarse et sa révélation sur le chemin de Damas, j’ai vécu une certaine expérience sur le chemin de Castelnaudary, le 14 janvier 2009.
Un voyage historique. Empruntant la RN 113 de Toulouse à Castelnaudary, pour m’éviter la monotonie de l’autoroute, j’avais décidé de faire une halte à Avignonet, là où, comme l’indique la signalétique dans l’église, avait eu lieu " le massacre des inquisiteurs "[1].
La radio de la voiture m’avait informé des développements de la guerre de Gaza où Israël justifiait son offensive par le besoin de se protéger des quelques missiles du Hamas. Je constatais que le geste des " massacreurs " cathares avait eu le même effet que les fameux missiles : permettre à l’adversaire, supérieur en nombre et en armes, d’engager une guerre déjà planifiée, l’invasion de Gaza aujourd’hui, l’invasion du Languedoc hier.
En reprenant la route, la radio m’évoquait un autre événement historique. Lors d’un discours sur la culture à Nîmes, le président Sarkozy annonçait son grand projet, la création d’un " musée de l’Histoire de France ". Quelle idée ! C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase du rejet de la suffisance française.
Suffisance : vanité, prétention, orgueil, dédain, morgue, fierté, fatuité, ostentation, arrogance, condescendance, satisfaction, supériorité.
Depuis plusieurs siècles, la France est un pays (royaume, empire, république) relativement unifié et puissant, doté d’une population nombreuse. A ce titre, eu égard à la nature des relations internationales, fondées sur la guerre, l’annexion et l’asservissement du vaincu, la France est " condamnée " à être une nation guerrière.
Prenant le prétexte de l’encerclement, la géographie la plaçant en effet entre des mâchoires hispano-anglo-germaniques, la France a pris l’habitude de se " déverser " sur ses voisins, comme un fleuve au lit soudain trop étroit pour son volume et son impétuosité. Cela donnera Louis XIV, la Révolution, l’Empire.
La France est un pays nostalgique de sa grandeur passée ; elle n’est pas la seule, cette nostalgie se retrouve également dans d’autres nations, Grande-Bretagne et Russie notamment. Ce qui la rend cependant unique, c’est qu’elle se prétend unique, exceptionnelle, dotée d’un destin singulier dans le monde. D’où viennent cette prétention et la nostalgie qui l’accompagne ?
Depuis 30 ans, la France n’est plus qu’une grande puissance moyenne et seuls les Français l’ignorent encore. L’Europe a perdu son leadership historique établi à la découverte du Nouveau Monde et seuls les Français l’ignorent encore. Le monde bascule vers d’autres centres de gravité et seuls les Français l’ignorent encore.
À la perte d’influence du pays, s’ajoute une remise en cause du rôle prépondérant de l’État dans l’histoire politique, territoriale et culturelle de la France depuis le XVIIe siècle, depuis Louis XIV. Ce dernier n’a jamais prononcé la phrase fameuse, « l’État, c’est moi » ; mais le simple fait qu’on lui attribue suffit à présenter le problème : tous ses successeurs ou presque l’on pensé ! Cette histoire dure depuis environ 350 ans. 
Le pourquoi de l’essai étant posé, quid du comment ?
J’ai choisi de suivre le fil conducteur de l’histoire de France, où les étapes se tiennent comme des wagons, pour comprendre non pas en quoi la France et les Français sont exceptionnels, mais pourquoi ils pensent l’être, aujourd’hui encore.
La légitimité à réaliser ce travail, je la tire de mon ambition d’essayiste amateur, de  passeur, de vulgarisateur, de facilitateur. Non nova, sed nove, « non pas des choses nouvelles, mais d’une manière nouvelle » ; je n’apporte pas d’idées nouvelles mais fais miennes des idées déjà connues, en les présentant d’une manière nouvelle, dans un ordre qui m’est propre. Le tout, dans un style ironique et tolérant.
Écrire sur l’enseignement de l’histoire, c’est rendre en quelque sorte un " hommage " distancié et désenchanté à tous ces enseignants, notamment ceux d’histoire et de géographie, instituteurs du primaire et professeurs de secondaire, écrivains, journalistes, essayistes, chercheurs, analystes, hommes politiques qui ont tissé des décennies durant et tissent encore aujourd’hui la fresque grandiose de la France en majesté.
Mais d’abord, qu’est-ce-que la France ? Où se situe-t-elle ? Depuis quand existe-t-elle, sous quelles formes ? La question n’est pas ridicule ; en effet, partant à la recherche de Vercingétorix, un des pères de la nation selon la formule consacrée, je me suis aperçu que celui-ci était né…au XIXe siècle, par le miracle de sa réhabilitation par les historiens officiels du Second Empire, réhabilitation poursuivie et amplifiée par les historiens officiels de la IIIe République, souvent les fils spirituels des premiers.
Si Vercingétorix sort de l’oubli vers 1850, s’il devient le symbole de la Gaule, " présupposition " de la France, cela signifie que le récit de l’histoire de France est né au même moment. Récit qui, tel un conte de fées, commence par ces mots : « Il était une fois…la France ».
La démarche visant à respecter la chronologie n’est donc pas aussi paresseuse qu’il y paraît.



[1] Le 28 mai  1242, le tribunal d’inquisition contre le catharisme, dirigé par Guillaume Arnaud et Étienne de Saint-Thibéry, se tient dans la cité. Plusieurs hommes, dirigés par Pierre-Roger de Mirepoix et aidés par les gens d’Avignonet, massacrent pendant leur sommeil les inquisiteurs et leur suite à coups de hache, faisant onze victimes. Ce sera un des derniers sursauts de résistance avant le siège de Montségur, qui se terminera par un bûcher en mars 1244.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire