Chapitre 7 1815 - 1914


Chapitre 7
1815- 1914

L’aménagement du territoire et les réseaux de transport ; la centralisation parisienne
La transition démographique européenne
Napoléon III
La construction territoriale de la France, de Hugues Capet à Napoléon III







La période qui couvre la Restauration (1815-1830) et la Monarchie de Juillet (1830-1848) est bien mollasse, terne et sinistre. Rien à dire sur Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe ; on se bornera à évoquer le seul fait militaire de la période, qui allait en inaugurer bien d’autres dans la seconde moitié du siècle : la conquête de l’Algérie en 1830. 
Prise de la smala d’Abd El Kader par le duc d’Aumale, Horace Vernet





L’aménagement du territoire et les réseaux de transport ; la centralisation parisienne
L’aménagement du territoire est le produit de l’histoire et de la géographie.  En France, un système " géohistorique de polarisation ", fondé sur le couple pôle/périphéries, a longtemps fonctionné au bénéfice de Paris. Il est né de la monarchie absolue au XVIIe siècle.
La suffisance parisienne est la fille aînée de la suffisance française.
La capitale a détruit les forces vives de ses périphéries les plus proches, en les captant à son profit. Si, au Moyen-âge, Rouen et Amiens étaient les 2e et 3e villes du royaume, elles furent progressivement  étouffées par Paris. Après les périphéries proches du pôle, le mouvement gagnera les autres, par polarisation centripète.
Dans les régions soumises à l’attractivité parisienne, l’aménagement " spontané " du territoire résulte du…déménagement des habitants, de la montée vers la ville de ceux qui veulent échapper à leur cadre local étroit ; bref, de ceux qui veulent s’en sortir et réussir. Au terme d’un tri social séculaire, les plus jeunes, les plus actifs et les plus entreprenants s’en vont vers le pôle et leur départ accentue le phénomène de destruction (d’autodestruction) de la périphérie. 
Cette hypertrophie de la capitale, une autre spécificité française, est la conséquence directe de la centralisation administrative liée à la monarchie absolue. Aucune des capitales des grands pays d’Europe, Londres, Berlin, Rome ou Madrid, ne dispose d’une telle suprématie dans leur pays respectif ; cela s’explique par une construction nationale différente, par unification de provinces ayant connu un développement autonome.
Dans la France du XIXe siècle, l’espace politique construit par la centralité royale, repris après 1789 par les régimes successifs, devient un espace fonctionnel de plus en plus unifié économiquement.
L’effort de construction d’un réseau de routes royales est poursuivi : la technique de l’empierrement et du blocage (procédé Mac Adam en 1818) est une véritable révolution ; d’où, en France, un développement du réseau routier qui passe d’environ 30 000 kilomètres avant la Révolution à 600 000 dans les années 1880.
Plus encore, la mise en place de l’étoile des voies ferrées dans les années 1840-1860 double cette première irrigation du territoire d’une seconde, non moins essentielle. Multipliant les vitesses par dix, les charges remorquées par cent, le chemin de fer révolutionne l’économie : la production industrielle en est accélérée, le commerce également.
En 1838, le plan Legrand avait tracé le réseau de grandes lignes en étoile centré sur Paris, similaire à celui du réseau routier. La loi ferroviaire de 1842 reprend ce plan et les futures lignes partent toutes de Paris, sauf deux, dont la ligne Océan-Méditerranée de Bordeaux à Marseille, via Toulouse. Le réseau ferré passe de 4 000 km en 1852 à 18 000 km en 1870. En 1878, le plan Freycinet porte le réseau ferré de 20 000 à 40 000 kilomètres.







La transition démographique européenne
À la fin du XVIIIe siècle, la baisse de la natalité en France est concomitante de celle de la mortalité, alors qu’en Allemagne, en Angleterre et en Italie, le décalage entre les deux phénomènes permet un substantiel accroissement démographique.
De deuxième pays d’Europe par son nombre d’habitants en 1789, avec 28 millions, après la Russie qui en comptait 30 millions, la France voit sa position décroître tout au long du XIXe siècle pour se retrouver en 1914 à 40 millions d’habitants, face à une Allemagne de 66 millions et un Royaume-Uni peuplé de 46 millions d'habitants.
Si en France aujourd’hui il y a peut-être trop de Français suffisants, il n’y avait pas suffisamment de Français au XIXe siècle, d’où les premières grandes vagues d’immigration de travailleurs étrangers venus de Pologne, de Belgique et d’Italie. À la différence d’autres pays européens, notamment l’Allemagne, l’Italie, la Grèce, qui ont été des pays d’émigration vers les États-Unis, l’Amérique Latine ou l’Europe, la France, souffrant d’atonie démographique, fatiguée et morose, a été une terre d’accueil, par nécessité économique plus que par générosité morale. La xénophobie qui semble répandue en France encore aujourd’hui, où l’on redoute en permanence l’envahissement et la contamination par l’autre, serait peut-être née dans cette seconde moitié du XIXe siècle.











Napoléon III
En 1848, la situation politique française est favorable au retour des bonapartistes. Louis Napoléon Bonaparte, le neveu de l’autre, en profite ; il se fait élire député à l’assemblée. Les notables et le peuple, qui voient en lui le descendant du glorieux Napoléon, le soutiennent. Le 10 décembre 1848, il est élu président de la république au suffrage universel masculin[1]. Résultats : Raspail, socialiste, 1% ; Ledru-Rollin, gauche, 5% ; Cavaignac, monarchiste, 19,5% ; Louis-Napoléon 75% ! Le 2 décembre 1852, l’empire est proclamé[2].
Napoléon III est très actif pour orchestrer la grande musique de la suffisance française. A défaut de guerroyer, comme son illustre oncle, sur les routes d’Europe, il recommande aux archéologues et historiens officiels de fouiller la terre patriotique pour en dénicher de quoi construire notre saga. Il est un des pères de l’archéologique nationale ; pour mener à bien son objectif, il s’entoure de collaborateurs prestigieux, parmi lesquels Victor Duruy, Prosper Mérimée, Ernest Renan.
Ah, la fameuse dépêche d’Ems de 1870 ! Lorsque Bismarck pousse un candidat prussien sur le trône d’Espagne, il agace la France (souvenir de l’encerclement des Habsbourg au temps de Charles Quint…) qui déclare la guerre à la Prusse. Nous ne sommes pas prêts et notre infériorité est évidente : 265 000 hommes face à plus de 500 000 soldats prussiens. L’empereur des français se rend avec l’armée de Sedan le 2 septembre 1870. Après ce désastre, le 4 septembre, Paris proclame la déchéance de l’empire et la République. Cette guerre aura fait 139 000 morts français.







La construction territoriale de la France, de Hugues Capet à Napoléon III
Période
Rattachement des provinces au royaume
Xe  siècle
Ile de France
XIIe siècle
Orléanais
XIIIe siècle
Touraine, Poitou, Languedoc, comté de Toulouse, Quercy
XIVe
Angoumois, Champagne, Saintonge, Poitou
XVe
Berry, Guyenne, Normandie, Anjou, Dauphiné, Maine, Bourgogne, Picardie, Provence
XVIe  
Marche, Bourbonnais, Bretagne, Lyonnais, Gascogne
XVIIe
Auvergne, Artois, Flandre, Limousin, Périgord, Béarn, Navarre, Roussillon, Nivernais, Alsace, Franche-Comté
XVIIIe
Lorraine, Corse
XIXe
Savoie, Nice


[1] En instaurant le suffrage universel, même limité, la France devance ses voisins.
[2] Le 2 décembre est une date symbolique, l’anniversaire du sacre de son oncle et de sa victoire à Austerlitz.

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