Chapitre 14 Juin 1940, le choc et le doute


Chapitre 14

Juin 1940, le choc et le doute


Le dépôt de bilan de l’armée française
L’exode
L’appel du 18 juin








Le dépôt de bilan de l’armée française
Le président du conseil Paul Reynaud en 1939 : « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts. »
En 1939, la France est parmi les cinq premières puissances économiques du monde ; quatrième marine de commerce, troisième marine de guerre, deuxième empire colonial planétaire.
L’armée française est considérée, à l’époque, comme la meilleure du monde. En réalité, les évènements qui eurent lieu au printemps 1940 révélèrent qu’elle avait énormément de faiblesses qui s’avérèrent fatales. La plupart de celles-ci venaient des attitudes qui avaient prévalu au sein du haut commandement à la fin de la Première Guerre Mondiale. Compte tenu des terribles souvenirs de 14-18, les Français avaient adopté une stratégie défensive fondée sur la construction de la ligne Maginot. Cette politique avait englouti, de 1930 à 1936, la majeure partie du budget militaire.
Le 10 mai 1940, l’orage de la " guerre éclair " se déchaîne sur la France, la Belgique et les Pays Bas. L’ennemi, évitant la ligne Maginot et prenant au piège les forces alliées parties défendre la Belgique, perce le front à Sedan. Débordée, écrasée par les forces combinées des Panzerdivisionen et de la Luftwaffe, l’armée française ne peut enrayer la percée allemande.



Pratiquement 70 ans auparavant, Sedan avait déjà été le théâtre d’opérations militaires décisives pour les Allemands. Du 31 août au 1er septembre 1870, une coalition des États allemands avait mis en déroute l’armée française, précipitant la chute du Second Empire et l’avènement de la IIIe République. Une nouvelle fois, cette ville va être à l’origine de l’agonie d’un régime politique aboli de fait le 10 juillet 1940 par l’Assemblée nationale (Chambre des députés et Sénat réunis) donnant les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Ce dernier demande un armistice qui est signé le 22 juin 1940 à Rethondes.
Mal employées, les armées françaises ont subi un effondrement sans précédent. Les pertes humaines sont considérables : en un peu plus d’un mois de guerre effective, plus de 60 000 combattants seront tués, plus de 100 000 prisonniers et plus de 200 000 blessés ; ces chiffres dépassent les pertes mensuelles les plus sanglantes de la Première guerre.
En quelques jours, les Panzerdivizionen de Guderian ont mis à bas la fameuse prétention militaire française. Ils ont ouvert et mis à vif d’anciennes blessures que l’on croyait guéries, la défaite de 1870 et celle de Napoléon à Waterloo. Les Français de la IIIe République, qui avaient eu tout loisir de mettre ces défaites au passif des empires, n’avaient depuis 1870 engrangé que des victoires…sur les Tonkinois, les Congolais, les Marocains lors des guerres coloniales. Et en 1918, n’avons-nous pas gagné la guerre ? Sans les Tonkinois, les Congolais, les Marocains, et surtout sans les Anglais, les Canadiens et les Américains, nous aurions perdu !
Est-ce au traumatisme de 1940 que remonte le désenchantement de la France ? En quelques heures, s’écroule une nation qui avait régné sur le continent presque sans partage par la démographie, les armes, la langue, la littérature, les arts, le charme et l’esprit.











L’exode
L’ampleur de l’exode est à la mesure de la défaite et du désarroi des élites militaires qui « croyaient vaincre parce qu’elles étaient les plus fortes. »
En juin 1940, la population du Nord et de l’Est de la France succombe à une panique collective ; plus de cinq millions de gens fuient leur foyer pour échapper à l’envahisseur ; deux millions quittent la seule région parisienne, entre les 10 et 14 juin. Des villes et des villages entiers se vident de leurs occupants. 


 

Les gens se jettent sur les routes, en voiture, à vélo, à cheval ou à pied, comme s’ils organisaient spontanément leur propre déportation. Cet indescriptible désordre humain a une seule idée fixe : franchir la Loire, rejoindre le Sud…et grossir les populations des villes d’accueil ; la population de Bordeaux passe de 258 000 habitants à 800 000 habitants, celle de Cahors de 13 000 à 60 000. Le gouvernement lui-même a quitté Paris pour Bordeaux le 10 juin.




L'exode ne tarde pas à s’arrêter. Après la signature de l’Armistice, les autorités allemandes autorisent la plupart des réfugiés à rentrer chez eux, à l’exception de ceux de la zone interdite du Nord-est.   
Les souffrances des civils ont joué un grand rôle dans le désir de Pétain de signer un armistice ; il se présente ainsi comme le père protecteur d’une nation durement touchée. Les Français s’étaient sentis abandonnés par leurs dirigeants ; Pétain et son régime de Vichy les rassurent. Des familles avaient été séparées ; Vichy souligne l’importance de la famille. Des biens avaient été perdus ou entassés dans des charrettes ; Vichy loue les racines et les valeurs du foyer.





L’appel du 18 juin
On ne peut pas parler de juin 1940, de cette " étrange défaite ", sans rendre hommage à la qualité du produit de communication politique que représente le fameux " appel du 18 juin ".
Nous connaissons tous l’entame : « La France a perdu une bataille ! Mais la France n’a pas perdu la guerre ! ». L’alinéa suivant vaut le rappel : « Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l’honneur, livrant le pays à la servitude. Cependant, rien n’est perdu ! »
Des gouvernants de rencontre ? Il fallait oser qualifier ainsi le brave maréchal Pétain, le héros de Verdun dans l’imagerie populaire.
Cédant à la panique ? Vraiment ? Ne s’agissait-il pas plutôt, de la part du commandement militaire et des élites civiles réactionnaires, de saisir l’occasion pour sonner le glas de l’horreur républicaine, démocratique, laïque, franc-maçonne et juive ? Venger, d’un même mouvement de " salubrité nationale ", les royalistes, les bonapartistes et les catholiques traditionnalistes.


La suite de l’appel n’est pas moins passionnante : « Rien n’est perdu, parce que cette guerre est une guerre mondiale. Dans l’univers libre, des forces immenses n’ont pas encore donné. Un jour, ces forces écraseront  l’ennemi. Il faut que la France, ce jour-là, soit présente à la victoire. Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur. Tel est mon but, mon seul but ! »
Quelle leçon de géopolitique à l’adresse des élites françaises : en insistant sur le caractère mondial de cette guerre, notre seule raison d’espérer, de Gaulle affirme que le désir de " révolution nationale " à la Pétain paraît un motif bien mesquin à l’acceptation de la défaite.

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