Chapitre 5
La
monarchie, absolument épuisée
1715 – 1789
Louis XV
Louis XVI
La population française et la transition démographique
Les finances publiques
Les Lumières illuminant le monde des idées…
Le XVIIIe siècle apporte-t-il de nouvelles pierres à l’édifice de la suffisance française que nous suivons
dans son déploiement depuis, disons, François Ier au début du XVIe ?
La monarchie reste, naturellement, absolue,
poursuivant sur sa lancée des périodes précédentes. La cour (18 000 courtisans
à Versailles), les dépenses royales, les rigidités politiques et économiques,
rien ne bouge.
Dans les manuels d’histoire, on se satisfait
d’affirmer qu’au XVIIIe la langue française est parlée partout en
Europe ; il serait plus juste de préciser qu’elle n’est parlée que par les
élites[1].
De même, on est fier d’évoquer le raffinement " à la française ",
imité partout. Enfin, on se plaît à penser que les idées françaises, les
fameuses Lumières, éclairent le continent.
Louis XV
Sous Louis XV (1710-1774), la France participe à
des conflits européens mais la dynamique victorieuse de Louis XIV ne fonctionne
plus. Dans la guerre de succession d’Autriche (1740-1748), le roi laisse son
allié le roi de Prusse tirer les meilleurs bénéfices de la victoire commune ;
d’où l’expression : « travailler
pour le roi de Prusse ».
La guerre de Sept Ans (1756-1763) oppose la France et l’Espagne à la
Grande-Bretagne. La victoire de celle-ci a pour conséquences la perte des
comptoirs de l’Inde, du Canada, des Antilles et de la Louisiane. Mais ce
conflit a vidé les caisses de la Couronne britannique ; Londres décide alors de
faire supporter une partie des frais de guerre aux colons américains, ce qui
conduit ces derniers au mécontentement, puis à la lutte pour l’indépendance…
Durant ce règne, le territoire national se
grossit de la Lorraine en 1766 et de la Corse en 1769.
Louis XVI
Louis XVI (1774-1793) est un roi sans guerre, si
l’on excepte la participation d’un corps expéditionnaire français à la guerre
d’indépendance des colons nord-américains. Que retenir ? Un éclairage sur
l’évolution de la population française, l’état des finances publiques et les
fameuses " Lumières ".
La population française et la transition démographique
En 1789, le royaume de France est toujours le
pays le plus peuplé d’Europe avec 28 millions d’habitants. Cependant, un déclin
démographique commence à se manifester à la fin de la deuxième moitié du
siècle, particulièrement dans le Grand Bassin Parisien, en voie de
déchristianisation. La France est le premier pays d’Europe à engager une "
transition démographique ", processus qui fait passer le nombre d’enfants
de l’époque préindustrielle, jusqu’à dix enfants par femme en moyenne, à ceux
de l’époque contemporaine, deux enfants ou moins en moyenne.
Notre pays, longtemps considéré comme " la
Chine de l’Europe " pour la vigueur de sa natalité, va peu à peu être
rattrapé par d’autres pays, pourtant initialement loin derrière. Il y avait
plus de Français que de Russes au début du XVIIIe siècle et quatre
fois plus de Français que d’Anglais.
Des explications au phénomène ? On a longtemps
tenu pour responsable le Code civil napoléonien, supprimant le droit d’aînesse
(qui avait été aboli dès 1792) et faisant obligation de partager également
l’héritage et poussant à réduire le nombre d’enfants pour ne pas avoir à
éparpiller le patrimoine. Le ralentissement démographique français précède de
fait la création du Code civil, mais on peut penser que les Français, voulant
traiter également leurs enfants, en aient réduit le nombre avant que la
loi ne leur en fasse obligation. Le lien
entre la transition démographique et la suppression du droit d’aînesse est
encore plus délicat à établir lorsqu’on sait que ce droit s’appliquait
uniquement aux familles nobles (même si des roturiers fortunés s’en
prévalaient) et dans la France du Midi[2],
les règles d’héritage variant d’une région à l’autre.
Les finances publiques
L’état des finances publiques est l’obsession du
siècle. La dette explose sous le règne de Louis XIV, du fait des guerres
quasi permanentes. En 1715, la dette représente 80% du PIB ; les revenus
fiscaux de 1716 et 1717 sont déjà consommés.
Il sera tout essayé : du système de Law et sa
banqueroute entre 1716 et 1720, aux ministres " réformateurs " Turgot
et Necker (certainement considérés comme les meilleurs économistes de leur
temps…) ; sans succès.
Juste avant la Révolution, les finances royales
sont dans un état catastrophique, avec une dette évaluée entre 4 et 5 milliards
de livres ; la moitié du budget royal sert à résorber cette dette qui ne
fait qu’augmenter. En 1789, la convocation des états généraux doit permettre de
trouver des solutions collectives au marasme financier et à la dégradation de
la situation dans le pays, en ces termes :
« De par le Roi,
Nous avons
besoin du concours de nos fidèles sujets pour Nous aider à surmonter toutes les
difficultés où Nous Nous trouvons relativement à l’état de Nos finances, et
pour établir, suivant nos vœux, un ordre constant et invariable dans toutes les
parties du gouvernement qui intéressent le bonheur de nos sujets et la prospérité
de Notre royaume. Ces grands motifs Nous ont déterminé à convoquer l’Assemblée
des États de toutes les provinces de notre obéissance, tant pour Nous
conseiller et Nous assister dans toutes les choses qui seront mises sous nos
yeux, que pour Nous faire connaître les souhaits et doléances de nos peuples,
de manière que par une mutuelle confiance et par un amour réciproque entre le
souverain et ses sujets, il soit apporté le plus promptement possible un remède
efficace aux maux de l’État, que les abus de tous genre soient réformés et
prévenus par de bons et solides moyens qui assurent la félicité publique et qui
nous rendent à Nous particulièrement, le calme et la tranquillité dont Nous
sommes privés depuis si longtemps.
Donné à Versailles, le 14 janvier 1789. »
Les Lumières illuminant le monde des idées…
Ce que l’on qualifie de " mouvement des
Lumières " a été illustré, dans nos manuels d’histoire, par des tableaux
de ce genre. Aristocrates et bourgeois éclairés ouvrent leur salon aux
écrivains, philosophes, artistes savants et autres penseurs éclairés. Le
dernier salon où l’on cause, le dernier salon où il faut être. Ce soir-là, chez
Mme Geoffrin, on aurait pu croiser Marivaux, Rousseau, Quesnay, Diderot,
Montesquieu, Helvétius, d’Alembert, Buffon…
Le tableau ci-dessous a été commandé par
Joséphine de Beauharnais pour orner le château de La Malmaison ; c’est un
" faux historique " puisque le peintre imagine en fait une
réunion de toutes les célébrités qui auraient pu fréquenter le salon.
Lecture de la tragédie de l’Orphelin de la Chine de Voltaire,
dans le salon de madame
Geoffrin, tableau de Lemonnier, 1812
Un tel spectacle n’est pas sans rappeler certains
colloques ou autres prestigieuses émissions culturelles de la télévision où
sont invités les grands intellectuels du moment. Qu’aurions-nous aujourd’hui,
autour d’une Mme Geoffrin moderne : BHL, Régis Debray, Stéphane Hessel, la
bande des Michel (Godet, Serres, Onfray, Pebereau), Jean Daniel, Marcel
Gauchet, la bande des Alain (Badiou, Finkielkraut, Minc)…
À cette époque, l’intellectuel français s’exporte
bien ; des philosophes éclairés conseillent des despotes…éclairés comme
Voltaire avec le roi de Prusse Frédéric II, comme Diderot avec Catherine II de
Russie. C’est dire si le régime monarchique français ne savait pas tirer parti
de ses esprits brillants.
[1] Les
populistes d’aujourd’hui parlent " d’élites
mondialisées " ; pourrait-on dire qu’au XVIIIe, les
élites européennes étaient " francisées "…Autre
commentaire : en France également, le français n’était parlé que par
l’élite.
[2] Les
petits paysans du Sud-Ouest, n’ayant plus le droit de transmettre leur terre à
un seul héritier, font en sorte de n’avoir qu’un seul enfant.
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