Chapitre 9 L'histoire de France dans un manuel scolaire du Second Empire


Chapitre 9
L’histoire de France dans un manuel scolaire du Second Empire
Nos ancêtres les Gaulois
Caractère de la nation française
La législation générale ; mœurs publiques
L’armée
Aspect général ; climat
Industrie ; commerce
Paris, capitale de la France







Les vieilles demeures du Limousin recèlent parfois bien des trésors. Dans le grenier d’une ferme de Haute-Vienne, j’ai eu la chance de dénicher un manuel scolaire d’histoire et de géographie de la France, à l’usage des enfants de l’enseignement primaire, édité en 1868.
Le lecteur est partagé entre l’ironie et l’effroi, ironie face à la naïveté extrême des auteurs, effroi lorsqu’on imagine les effets de ce " bourrage de crâne " sur des générations de petits Français.
Pour ne priver personne d’une aussi édifiante lecture, voici quelques bonnes feuilles :



Nos ancêtres les Gaulois

« Le courage des Gaulois était non seulement intrépide, mais téméraire jusqu’à la folie ; en allant au combat, ils ne marchaient pas, ils s’élançaient. Quand ils n’avaient point d’ennemi à combattre, ils luttaient contre les éléments : on les voyait, pendant l’orage, défier le tonnerre et lancer leurs flèches dans les nues comme pour le braver ; ils se plaisaient à marcher le glaive à la main contre les torrents débordés ou contre la mer en furie (…) »


Caractère de la nation française
« C’est de nous que les autres peuples du monde ont appris que la colère du vainqueur doit cesser, aussitôt après la lutte ; qu’un ennemi renversé, désarmé, blessé, cesse à l’instant même d’être un ennemi ; qu’il n’est point permis de le braver, de l’injurier, de lui faire honte de sa défaite. » 
« Les Français sont surtout remarquables par la promptitude de leur intelligence et la vivacité de leur esprit ; ainsi ils parviennent à se faire comprendre facilement des gens, même de ceux qui ne connaissent pas leur langue. On en a vu un exemple aussi frappant que curieux à la bataille de l’Alma, en septembre 1854. Un soldat russe blessé était étendu sur le champ de bataille : un de nos zouaves l’aperçoit et, plein d’humanité, s’approche pour lui donner des secours. Le Russe, voyant son uniforme, le prend pour un Turc [1] car nos zouaves ont le turban, les larges pantalons, la veste et tout le costume oriental ; alors, ramassant le peu de forces qui lui restait et pensant bien qu’un Turc ne pouvait venir à lui que pour l’achever et le dépouiller, il cherche à frapper de son sabre le généreux ennemi qui venait à son secours. Le zouave devine son erreur et, tout à coup, pour le dissuader, ne pouvant lui parler, qu’imagine-t-il ? Il fait le signe de la croix ! Le Russe comprend qu’il a devant lui non un Turc, mais un chrétien, un de ces Français dont la générosité est proverbiale ; il rend son sabre, se soulève péniblement en exprimant sa reconnaissance par ses regards et s’abandonne aux soins du zouave qui, aidé d’un de ses camarades, le porte à l’ambulance. »


La législation générale ; mœurs publiques
« La législation française est un chef-d’œuvre de raison et d’humanité ; la plupart des nations étrangères nous l’envient et s’efforcent d’en transporter chez elles les dispositions principales (…) »
« Quant à l’inégalité qui existe nécessairement entre le patron et l’ouvrier, entre le maître et le domestique, outre qu’elle résulte de la nature même des choses, et qu’elle n’a par elle-même rien de blessant, elle ne détruit pas l’égalité qu’en qualité d’hommes ils conservent sous tout autre rapport. L’ouvrier n’est soumis au patron et le domestique au maître que par un engagement qu’il a librement contracté et qu’il peut rompre (…).  Aussi, nulle part le service n’est aussi doux qu’en France (…). Il en est de même dans l’intérieur des familles. L’éducation, en France, est d’une grande douceur, parce que les enfants y sont de très bonne heure susceptibles d’être conduits par le sentiment et par l’honneur. Aussi la France est le seul pays en Europe où l’on a pu sans inconvénient supprimer les châtiments corporels dans les collèges et dans les écoles primaires (…) » 


L’armée
« La nation française est passionnée pour la gloire des armes ; l’univers entier a été le théâtre de ses exploits ; l’histoire en est remplie et l’époque présente en a glorieusement renouvelé le souvenir. Rien n’égale l’intrépide et bouillant courage de nos soldats (…) »
« La marine française est la première du monde, avec celle de l’Angleterre ; la marine anglaise surpasse la nôtre par le nombre ; mais pour l’intrépidité, l’habileté, la discipline, la science, les Anglais n’ont sur nous aucun avantage ; tout au plus sont-ils nos égaux (…) Il faut une réunion de grandes qualités pour faire un bon marin ; et ces qualités, le caractère français les possède au plus haut degré (…) »


Aspect général ; climat
« De toutes les contrées du monde, la France est la plus favorisée et la nature semble y avoir réuni les avantages qu’elle a disséminés dans les autres (…) Son climat n’est ni trop sec ni trop humide ; son ciel est beau (…) »
« La population de la France n’est pas, comme celle de plusieurs contrées de l’Europe, formée de races diverses, indifférentes ou même hostiles les unes aux autres ; elle forme une seule et même nation, homogène et sympathique (…) »


Industrie ; commerce
« La France est, après l’Angleterre, le premier pays du monde quant à l’industrie et au commerce, et sur bien des points elle est même supérieure à l’Angleterre (…) Mais ce qui caractérise surtout l’industrie française et donne à ses produits un cachet exceptionnel, c’est la perfection du goût. Aussi, dans la confection des produits qui, sans cesser d’être industriels, exigent un certain sentiment artistique chez le fabricant et même chez l’ouvrier, nous avons une supériorité que nos rivaux même ne nous contestent pas (…) »
« Que l’on compare nos soieries, nos draps et nos tissus de laine, nos cotons imprimés, nos bronzes, nos cristaux avec les produits analogues des industries étrangères, les nôtres se distinguent bien au-dessus des autres par la qualité du travail, par la finesse de l’exécution, par la pureté du dessin, par l’agencement des couleurs (…) »


Paris, capitale de la France,
« Cette belle contrée, ce grand peuple ont une capitale digne de l’une et de l’autre. Paris est le cœur de la France ; et, de même que le sang circule sans cesse du cœur dans toutes les veines et revient de toutes les veines au cœur, de même il y a entre toutes les parties de la France et Paris une circulation rapide et incessante de sentiments et d’idées. Paris est l’ardent foyer de la civilisation qui de là rayonne dans tout l’empire et va se propager dans toute l’Europe. »
« Paris est la plus belle, la plus riche, la plus florissante cité de l’univers et l’une des plus grandes (…) »


[1] Rappelons que les Français étaient alliés des Turcs contre les Russes (Guerre de Crimée de 1854-1855).

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