Chapitre
4
La
monarchie, absolument suffisante
1610 - 1715
Louis XIII et Richelieu
Louis XIV
Colbert
Louis XIII et Richelieu
La France,
monarchie unifiée, est le pays le plus peuplé d’Europe entre le XVIe et
le XVIIIe siècle. Cette puissance démographique (en 1700, 21,5
millions d’habitants et 7 millions seulement en Angleterre) lui a permis de
tenir un rôle majeur en Europe, voire de la dominer parfois, notamment lors du
long règne de Louis XIV.
Évoquer une
étape particulière d’une évolution historique, alors que l’on en connaît les
développements ultérieurs, est un exercice aisé. Dans les manuels scolaires, il
a été pris l’habitude de présenter la première partie du XVIIe
siècle comme une lente et inéluctable montée vers l’absolutisme. Louis XIII et
Richelieu sont dans l’antichambre et Louis XIV arrive en pleine lumière.
De
l’expression " pouvoir absolu " (poder
absoluto), utilisée par plusieurs auteurs aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles
à propos de la France et de l’Espagne, dérive le néologisme " absolutisme
".
L’absolutisme
ou monarchie absolue est un type de régime politique dans lequel le détenteur
d’une puissance attachée à sa personne concentre entre ses mains tous les
pouvoirs et gouverne sans aucun contrôle. Ce terme est utilisé dans tous les
livres d’histoire pour caractériser la nature du pouvoir politique dans la
France d’Ancien Régime, entre la Renaissance et la Révolution.
En 1614, à
la demande des États généraux, le principe du pouvoir de droit divin entre dans
les lois fondamentales du royaume.
Fils d’Henri IV et de Marie de Médicis, Louis XIII monte sur le trône en 1610 à 9 ans ;
le pouvoir est d’abord assuré par sa mère qui gouverne le royaume comme régente. En 1617, Louis XIII accède au pouvoir par
un coup de force en ordonnant l’assassinat du favori de sa mère, Concini.
Le programme
politique de son ministre Richelieu se décline ainsi :
·
abaissement
des grands féodaux : Henri IV leur avait permis d’avoir des
places fortifiées ; Richelieu ordonne la destruction de châteaux et de
murailles de villes fortifiées. La mort du duc de Montmorency, l’un des
seigneurs les plus puissants de son temps, est un signe de l’affirmation du
pouvoir royal sur la noblesse et sonne la fin de la féodalité. Condamné à mort
pour crime de lèse-majesté, le duc est exécuté à Toulouse en 1632 [1] ;
·
agrandissement
de la France : Béarn et Navarre sont rattachés à la couronne ; au nord, une
grande partie du Hainaut est conquise avec la prise d’Arras ; à
l’est, la Lorraine est intégralement occupée par les
troupes françaises ;
·
rationalisation
du système administratif : Richelieu est à l’origine de la création du
corps des intendants qui remplacent les baillis et sénéchaux dans
l’administration du territoire ;
La raison d’État, notion par
laquelle un État justifie ses actions lorsqu’il poursuit son intérêt national aux dépens de
la morale, du droit ou d’autres impératifs, apparaît en sa version française
pendant la guerre
de Trente Ans (1618–1648). En effet, la France
catholique va soutenir les princes protestants allemands, au point d’entrer en
guerre à leur côté, ceci afin de contrecarrer
l’hégémonie du Saint empire romain germanique des Habsbourg et des deux
rois catholiques, Ferdinand III
du Saint-Empire et Philippe IV
d’Espagne. Cette politique a été suivie par Richelieu, alors même qu’il était cardinal et adversaire
impitoyable des forces protestantes à l’intérieur du royaume.
Un parallèle entre la situation de la France à l’époque de Richelieu et
celle de l’état d’Israël aujourd’hui est riche d’enseignement. Comment ces
nations ont-elles procédé pour " rentabiliser leur paranoïa diplomatique
" ? Elles s’alarment en permanence devant les risques d’encerclement et
d’anéantissement que leur font courir leurs voisins et ennemis, les Habsbourg
ici, les nations arabes du Proche-Orient là. Pour desserrer ce supposé "
étau ", la France et Israël ont lancé maintes guerres défensives et
préventives, en envahissant leurs voisins et en agrandissant leur propre
territoire du même coup.
Portait de Richelieu, par Philippe de Champaigne
" Testament politique " de
Richelieu : « le but de mon
ministère…rendre à la Gaule les frontières que lui avait laissées la
nature…rétablir la nouvelle Gaule partout où a été l’ancienne. »
Louis XIV
Louis XIV (1643-1715), 72 ans de règne, ce fut
long, pour tout le monde.
La monarchie étatique et absolue de droit
divin, système politique propre à la France, est portée à son apogée sous son
règne.
Louis XIII meurt en 1643. Son fils, le futur
Louis XIV, n’a pas encore 5 ans. Sa mère, Anne d’Autriche, devient régente et
donne au cardinal de Mazarin la première place au gouvernement. Les dix-huit
ans du ministère de Mazarin sont marqués par deux faits majeurs : la mise au
pas définitive de la noblesse qui avait compromis le développement de la
monarchie administrative pendant la Fronde d’une part, la poursuite de la
guerre contre les Habsbourg d’autre part.
La Fronde est la dernière insurrection de la
noblesse française contre la monarchie. La guerre contre l’empire d’Autriche
contraint la régente et Mazarin à lever de nouveaux impôts qui provoquent des
révoltes populaires en province. Les parlements et la noblesse, titulaires de
leurs charges (justice et finance), se sentent menacés par le pouvoir des intendants,
investis par le roi pour lever les impôts. La monarchie touche également aux
privilèges des parlementaires ; en effet, toujours dans un souci de trouver des
fonds, elle multiplie la création des offices. Or, les gens du Parlement sont
opposés à de nouvelles créations car l’augmentation de l’offre fait baisser le
cours du prix de l’office.
En 1648, le parlement de Paris, la Cour des
aides et la Chambre des comptes décident de se rassembler pour s’opposer au
pouvoir absolu du roi et récupérer certaines prérogatives supprimées depuis
Richelieu. La capitale est abandonnée par la famille royale. En 1652, Louis XIV
fait son retour dans la capitale et s’installe au Louvre. La France retrouve
une certaine stabilité. Le jeune roi aurait été " traumatisé " par
ces événements et cela expliquerait, selon les historiens, qu’il n’aurait eu de
cesse de renforcer son pouvoir absolu. Il
est sacré roi en 1661.
Le 24 octobre 1648, les traités de Westphalie
mettent fin à la guerre de Trente Ans. Les deux principaux bénéficiaires de ces
traités sont la Suède et surtout la France qui acquiert un rôle prépondérant en
Europe. Elle bénéficie de gains territoriaux sur ses frontières : les
Trois-Évêchés, officiellement rattachés, l’Alsace et Strasbourg (1681),
l’Artois et le Roussillon.
Louis XIV et la guerre : 32 ans sur 54
ans de règne personnel.
Première guerre franco-espagnole, (1635-1659).
La France obtient l’Artois et le Roussillon. Le Traité des Pyrénées est
considéré par les contemporains comme un triomphe de la France, puissance dont
le rayonnement s’étend à une grande partie du continent. Le plus grand prince
d’Europe, Louis XIV, a lui-même choisi sa devise : " Nec pluribus impar ", ce qui signifie " non égal à
plusieurs ", c’est-à-dire " supérieur à tous ", au-dessus du
reste des hommes.
Guerre de Dévolution (1667-1668) entre la
France et l’Espagne. La France évacue la Franche-Comté occupée pendant 6 mois,
mais garde ses conquêtes aux Pays-Bas et dans l’Artois.
Guerre de Hollande (1672-1678). Louis XIV
annexe la Franche-Comté aux dépens de l’Espagne. Face aux puissances
européennes coalisées, la France démontre sa force. En 1679, la ville de Paris
décerne au roi le titre de " Louis le Grand ". À la cour, où l’on
chante les louanges de ce nouveau Constantin, la devise est : « une foi, une loi, un roi [2].
»
Guerre de la ligue d’Augsbourg (1688-1697).
Louis XIV veut annexer le Palatinat, région allemande au nord de l’Alsace. Face
à la coalition de la Prusse, des
Provinces-Unies et de la Suède, la France attaque la première en ravageant
méthodiquement les provinces allemandes. Le sac du Palatinat en 1689 a fait
beaucoup pour le développement du sentiment national allemand. Louis XIV, qui
passe pour un guerrier sanguinaire, se retrouve bientôt seul contre l’Europe
coalisée. Dans la même période, la France connaît une grave crise économique
due au temps qui tue les récoltes et aux maladies qui se propagent facilement
(2 millions de morts, 10% de la population).
Dans le temps même ou Louis XIV triomphait encore de toute l’Europe, l’épuisement du royaume avait pourtant commencé. La France était ruinée bien avant qu’elle eût cessé de vaincre.
Il est, dès son vivant, parlé du " siècle
de Louis XIV ", sur le modèle des siècles de Périclès et d’Auguste. Autre
formule pleine de superbe, le siècle de Louis XIV est qualifié de " Grand
Siècle ", « grand comme le
monarque lui-même. »
C’est écrit et répété partout, et surtout en
France : à l’époque de Louis XIV, la culture française rayonne en Europe dans
tous les domaines ; ce rayonnement s’appuie sur la création d’académies en
littérature, arts et sciences. Le français est confirmé comme la langue des
grands écrivains (Molière, Corneille...). Peinture, sculpture, architecture et
musique françaises font référence. Les scientifiques français, Pascal, Fermat,
Descartes, tiennent une place très importante en Europe (astronomie,
mathématiques, physique, optique)...
Portrait de Louis XIV, par Hyacinthe Rigaud (1701)
Colbert
Dire que l’on n’avait pas encore parlé de
Colbert ! Le versant administratif et économique de la monarchie absolue. A
monarchie absolue, économie administrée !
Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) a une
prestigieuse biographie de très grand commis de l’État : Intendant des
Finances de 1661 à 1665, puis Contrôleur Général des Finances (à la fois
ministre de l’économie, du budget et des finances) de 1665 à 1683 ;
Secrétaire d’État à la Maison du Roi (1668-1683) ; Secrétaire d’État au
Commerce et à la Marine (1669-1683) ; Surintendant des Bâtiments, arts et
manufactures (1661-1683) ; Surintendant des Postes (1661-1683) ;
Grand Maître des Mines de France (1670-1683) ; Surintendant des Eaux et
Forêts (1671-1683). Seules la guerre et les affaires étrangères, domaines
réservés du roi, lui échappent. On ne peut imaginer concentration des pouvoirs
plus intense !
En tant que Surintendant des Bâtiments, arts
et manufactures, il fait copier les productions des États voisins pour rendre
la France indépendante de leurs fournitures ; il instaure des monopoles de
fabrication, il rétablit les anciennes manufactures et en introduit de
nouvelles auxquelles il attribue des subventions et des privilèges fiscaux et
commerciaux.
Il protège les sciences, les lettres et les
arts : création en 1663 de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
et de l’Académie de peinture, de l’Académie des sciences en 1666, de l’Académie
d’architecture en 1671, notamment.
Il fait développer les infrastructures, canaux
et routes royales, pour favoriser les échanges commerciaux. Pour résorber le
déficit chronique des finances royales, il réorganise le système fiscal :
création de la Ferme générale en 1680, simplification de la comptabilité
publique.
Son nom inspirera le terme de "
colbertisme ", politique économique dans laquelle la part d’intervention
de l’État est primordiale.
Créé sous Richelieu en 1634, l’intendant de justice, de police et des
finances est le représentant du pouvoir administratif, économique et fiscal du
roi. Les
intendants des finances surveillent la répartition et le prélèvement des
impôts dans leur circonscription ; ils sont chargés des ponts et chaussées, des
forêts et domaines, etc. Les
intendants de justice surveillent les séances des tribunaux, à l’exception des parlements. Les
intendants de police contrôlent les municipalités et les gouverneurs des
provinces (souvent des grands seigneurs), veillent à la mise en application des
ordonnances et édits royaux, contrôlent l’opinion et répriment les révoltes
populaires. Les intendants procèdent au ravitaillement des troupes et des
populations en cas de disette ; ils peuvent inciter à l’installation de manufactures et créer
des ateliers de charité.
En 1715, la
France est administrée par trente et un intendants. Treize d’entre eux
administrent les pays d’états ou les provinces nouvellement annexées, comme la
Bretagne ou la Bourgogne ; ces provinces et ces états provinciaux
négocient le montant de l’impôt avec les intendants royaux, en assurent ensuite
la répartition par diocèse et par paroisse et en contrôlent la collecte. Les
dix-huit autres sont à la tête des pays d’élection, domaine par excellence de
l’administration royale directe. L’intendant y répartit les impôts avec l’aide
des élus au niveau local.
Agents de l’État, unificateurs du royaume par
l’exercice d’une justice et d’une police communes, les intendants sont les
instruments privilégiés de l’absolutisme
centralisateur. La charge est supprimée sous la Révolution française mais la
fonction de préfet créée en 1800 reprend bon nombre de compétences de
l’intendant d’Ancien Régime.
L’organisation
centralisée de l’état français a 350 ans d’existence.
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RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerUne petite correction uniquement linguistique (surtout pas idéologique -soyez en sûr- !!!) sur cette allusion en quelques mots allemands ; cette langue impose une majuscule aux noms propres -tout comme en français-, mais aussi aux noms communs (ce que ne peuvent savoir ceux qui n'ont pas appris cette langue).
Vous pouvez vérifier vos sources, cela s'écrit "ein Reich, ein Volk, ein Führer", sinon vous commettez 3 fautes de leur grammaire.
Ainsi, ils écrivent aussi : "ein Auto, ein Hund, usw."
=========> c'est à dire "une auto, un chien, etc."
Je vous félicite enfin sur l'ensemble de ce site qui reflète effectivement bien le miroir aux alouettes d'une grande partie de notre histoire. Je n'ai pas encore été plus loin, mais en connaissais déjà pas mal, aussi verrais-je en fin de lecture si je puis apporter de l'eau à votre moulin. Cordialement.